Protection de l’enfance : le département du Maine-et-Loire vivement contesté
Travail Social Actualité - article de Noël Bouttier
Ce 4 mai, les personnels de la protection de l’enfance sont appelés à se mettre en grève dans le Maine-et-Loire. Ils entendent protester contre l’appel à projets qui a redistribué les cartes dans le département privant quatre associations de toute activité. Plusieurs dizaines d’emplois sont menacés par cette décision du département.
Sur le front des relations entre départements et associations, on a quitté, depuis longtemps, les rivages de la bonne entente. Ici ou là, c’est la cordiale mésentente qui est de rigueur (lire notre article). Après l’épreuve de force dans l’Essonne, en 2016 (lire ici), un nouveau front s’est ouvert, ces dernières semaines, dans le réputé calme département du Maine-et-Loire. Au centre des polémiques, la politique du conseil départemental en matière de protection de l’enfance.
Corriger les problèmes identifiés
Mécontent des insuffisances de la politique actuelle (notamment en termes de répartition géographique des structures, de manque de réactivité et d’une absence de solutions pour les fratries, etc.), l’exécutif présidé par Christian Gillet (UDI) a lancé un appel à projets pour attribuer les 698 places en accompagnement éducatif et thérapeutique. L’objectif est clairement de rebattre les cartes en corrigeant tous les problèmes identifiés. Sur le papier, les choses semblent pouvoir s’améliorer dans la mesure où le département doit ouvrir une quarantaine de places supplémentaires, permettant de résoudre, en partie du moins, la « fuite » des enfants vers l’extérieur (une centaine sont placés en dehors du Maine-et-Loire).
L’affaire portée devant la justice ?
Ce recours à l’appel à projets est vivement contesté par l’Uriopss Pays-de-la-Loire qui a multiplié les courriers au département depuis plus d’un an. « L’outil appel à projets est encadré par la loi, souligne sa directrice, Anne Postic. Il est simplement prévu pour des créations de places ou pour une réorientation de l’offre suite à une évolution du public accueilli. Cela n’est pas le cas en l’occurrence. » (1) L’Uriopss considère qu’il vaudrait mieux inscrire ces évolutions dans le cadre du dialogue de gestion via l’outil CPOM. Ce désaccord juridique pourrait d’ailleurs être tranché par les tribunaux, certaines associations gestionnaires envisageant de porter l’affaire devant les tribunaux.
« Méconnaissance de la réalité du travail de terrain »
Ce 4 mai, les salariés de la protection de l’enfance sont appelés à se mettre en grève à l’appel de la CGT, de Sud et de FO (lire encadré). Le texte syndical est très clair : « Le prince Gillet [le président du conseil départemental, NDLR] a décidé de balayer d’un revers de la main, avec un mépris ostensible pour l’ensemble des salariés du secteur, ce qu’ils ont construit depuis des années. » Les syndicats accusent également le président de « préjugés idéologiques » et de « méconnaissance de la réalité du travail de terrain ».
Une commission indépendante
Interrogé dans Angers Mag, ledit président se justifie. Son appel à projets ? Il faut, selon lui, « faire évoluer la prise en charge des enfants en danger ou en risque de l’être par les établissements habilités ». Il explique que les huit associations retenues l’ont été par une commission indépendante (où ne siégeaient que trois conseillers départementaux) sur la base d’un ensemble de critères très divers. « 45 % de la note d’évaluation portait sur le projet éducatif présenté, 40 % sur l’aspect financier et 15 % sur la connaissance du terrain départemental », précise Christian Gillet. Résultat des courses : sur seize projets présentés, huit ont été retenus, parmi lesquels quatre sont portés par de nouveaux opérateurs non présents encore dans le département.
Faire des économies sur le dos des enfants ?
Cette décision du conseil départemental pose deux types de questions. Dans un contexte budgétaire difficile, ne s’agirait-il pas de faire des économies sur le dos des enfants ? Les observateurs ont noté que les 40 places nouvelles sont financées à moyens constants. Alors que l’accueil en maison d’enfant à caractère social (Mecs) coûte en moyenne, dans ce département, 170 € par jour et par enfant, la fourchette proposée dans l’appel à projets était juste en-dessous : entre 150 et 170 €. Le président ne nie pas ce souci d’économies, en mettant en cause « des fonctionnements périmés ». Que vise-t-il exactement ? Mystère et boule de gomme.
Quid des salariés sur le carreau ?
Autre interrogation plus fondamentale encore : que vont devenir les quatre structures qui n’ont pas été retenues par l’appel à projets (sans compter une autre qui perd 50 places) ? Le président du conseil départemental a promis de favoriser des reprises de salariés par d’autres structures, mais cela pose des tas de difficultés d’ordre juridique. Si bien que tout le monde craint que des dizaines de salariés restent sur le carreau. L’affaire ne fait que commencer et elle pourrait durer des mois, tout comme ce qui s’est passé dans l’Essonne.
(1) Le projet du département prévoit une quarantaine de créations de places, ce qui est loin de correspondre à la règle des 30 % de nouvelles places pour recourir à un appel à projet.
« Dumping social » Preuve que cette affaire dépasse le cadre départemental, la fédération nationale de l’action sociale de FO soutient, dans un communiqué, l’action des salariés du Maine-et-Loire. « 300 à 350 emplois qualifiés sont menacés », explique la Fnas qui s’en prend aux nouveaux entrants sur le secteur de la protection de l’enfance, tels SOS Village d’enfants (« moins cher car dérogatoire en matière de législation du travail ») et Les Apprentis d’Auteuil. Pour FO, il s’agit tout simplement de « dumping social ».
Le 4 mai 2017