© F. Blanc
Paris, Nantes, Bordeaux, Marseille, Montpellier … Et d’autres grandes villes. Mais aussi des plus petites comme la Rochelle, Valence, Evreux, Tours, La Roche-sur-Yon, Avignon, Montauban, Laval, Périgueux, Besançon, Grenoble, Nancy… On comptait ce 18 octobre près de 150 cortèges rassemblant au total quelque 300 000 manifestants. Rien qu’à Paris, 70 000, au moins, composaient le long cortège s’étirant de la place d’Italie à la place Vauban.
Dans tous ces manifestations : des travailleurs du secteur public, du privé, des retraités, des jeunes, lycéens et étudiants. Tous ont répondu à l’appel lancé par quatre organisations syndicales, dont FO, et quatre organisations de jeunesse. Et lorsque l’on sait que cet appel syndical à la journée de mobilisation, y compris par la grève, a été lancé il y a moins d’une semaine, la densité des cortèges, ce 18 octobre, a montré, s’il le fallait, la détermination des travailleurs à lutter, notamment, pour obtenir des hausses de salaires mais aussi pour s’opposer à la remise en cause du droit de grève.
L’attaque menée par le gouvernement depuis plusieurs jours contre ce droit constitutionnel, cela via la réquisition des salariés en grève dans les raffineries, a agi tel un catalyseur dans l’appel à mobiliser. FO a décidé de rejoindre cette mobilisation soulignait dans le cortège parisien le secrétaire général de FO, Frédéric Souillot, rappelant l’opposition de l’organisation à ces réquisitions et ses actions devant la justice pour faire respecter ce droit, ainsi ce mercredi 19 devant le tribunal administratif de Lyon. Samedi, c’est celui de Rennes qui donnait raison à Force Ouvrière, cassant la décision du préfet de réquisitionner 55 salariés de laboratoires pharmaceutiques.
Signe du malaise social actuel, malgré un délai très court pour organiser cette journée, les travailleurs ont répondu présent. Ainsi, à Paris, dans les rangs de FO, on comptait des agents des finances, des personnels du nettoyage, des salariés du secteur de la métallurgie, des profs… Et comment s’étonner de la densité des cortèges à l’écoute des difficultés concrètes auxquelles font face les travailleurs et qu’ils expriment plus que clairement. Des difficultés qui renvoient directement au salaire…, insuffisant. L’inflation est toujours très forte et les gens n’en peuvent plus. Et les mesures one shot (les chèques et mesures ponctuelles dans le cadre du plan pouvoir d’achat, Ndlr) ne résolvent rien rappelait Frédéric Souillot. FO revendique une hausse massive des salaires, cela par des négociations, dans les entreprises et les branches. Mais aussi par une revalorisation, un vrai coup de pouce au Smic ou de la valeur du point d’indice dans la Fonction publique. Pour rappel, sa dernière revalorisation de 3,5% ne comble même pas les pertes de pouvoir d’achat dues à l’inflation cette année.
On sort dans la rue car on n’en peut plus de cette situation
Si Jossela, agent administratif (cat. C) et Bouchra, agent de maitrise (Cat. C) sont venues manifester à Paris c’est indiquent-elles principalement pour les salaires. Fanion FO à la main, Bouchra met les points sur les i : le travailler plus pour gagner moins… Ça suffit ! Toutes deux personnels territoriaux, elles témoignent concrètement des conséquences de salaires faibles, qui plus est faiblement revalorisés (+3,5% en juillet dernier après globalement dix ans de gel des traitements indiciaires/salaires).
On discute avec les collègues et on remarque tous le renchérissement des produits, du coût de la vie. La nourriture, les factures… ; on arrive à 30% de dépenses en plus. Il faudrait une vraie revalorisation ! Mais le gouvernement se moque des fonctionnaires. Avant ces crises Covid, énergies… on arrivait à remplir le charriot avec 100 euros, maintenant, c’est impossible.
Conséquences explique Bouchera : des privations. De plus en plus importantes. Avant, quand j’allais au marché, indique-t-elle, j’achetais, par exemple un kilo de navet, un kilo d’aubergines. Je ne me privais pas sur ces produits. Maintenant, j’achète une seule pièce ! Avec nos salaires, on ne vit plus, on survit. Et on finit le mois avec un découvert énorme à la banque. Et quand le salaire rentre, il va combler le découvert. Et c’est tous les mois comme ça ! Là par la grève, on perd une journée. Mais tant pis, on sort dans la rue car on n’en peut plus de cette situation.
On paye d’abord le loyer, les charges…. Après, c’est une autre histoire !
Pour Jossela, les dépenses sont aussi pesées et mesurées, au plus juste. Quand je fais des courses alimentaires, je fais une liste et je ne prends que les choses prioritaire. Les dépenses pour les sorties ? Réduites au minimum et on tente toujours par exemple d’obtenir en ligne des billets moins chers. Bouchra résume : de toutes façons, on paye d’abord le loyer, les charges…. Après, c’est une autre histoire !
Et ce après les dépenses contraintes est quasi inexistant. Avant je pouvais faire un peu lde shopping, tous les trois à quatre mois. Là je réalise que je n’ai pas visité un seul magasin depuis sept mois ! Aujourd’hui, poursuit-elle, on ne se bat pas que pour nous, on se bat pour les jeunes aussi. Et il faut être solidaires, privé et public, ensemble.
Près de là, Nacera et Chris, militants FO et agents de service dans un hôpital, employés par une société privée. Quand j’entends les discours des patrons et du gouvernement sur les salaires… C’est aberrant. C’est immonde !, martèle Nacera. Il y a un malaise, d’autant que nous travaillons, que nous exerçons des métiers durs. Or, aujourd’hui, -et ce n’est pas mon niveau de salaire-, même les personnes qui gagnent 2000 euros n’y arrivent pas. C’est insuffisant pour manger, se vêtir, payer des choses pour les enfants. Tous les prix ont augmenté dans les commerces et même la nourriture du pauvre (le riz, les pâtes, …), comme on le disait avant, elle est devenue chère ! Quant à se faire plaisir, c’est terminé !
Salariés du public ou du privé : les caddies se dégarnissent…
Les mesures ponctuelles (chèque énergie, …) de pouvoir d’achat décidées cet été, Nacera et Chris savent quoi en penser. Moi je vis seule avec mes deux enfants, je suis agent de service, je n’ai qu’un salaire qui rentre chaque mois et… je n’ai droit à aucune de ces aides indique Nacera. Tous deux sont là car Il est très important que les salariés du public et du privé soient ensemble. On se bat aussi pour les jeunes, pour qu’ils trouvent un travail avec un salaire correct, pas au rabais.
Christine, prof de lettres dans le Val d’Oise, près de Cergy est elle aussi venue à la manif parisienne et explique-t-elle la liste de doléances est très longue !, à commencer par la question des salaires, face à l’inflation, la crise de l’énergie et la hausse de ses prix, les réquisitions récentes des salariés des raffineries, les mensonges qui ont été dits sur leurs salaires… Fonctionnaire et militante FO, elle se sent solidaire du secteur privé. Mais bien sûr ! Les salariés du privé, je les croise quand je vais pousser mon caddie, quand je fais les courses. Et je vois qu’ils ont le même caddie que moi… C’est-à-dire que, eux aussi diminuent leurs achats. Or, face à cette situation, il y a les salaires des grands patrons, dont celui de Total qui a doublé ! Ce n’est plus possible ! Il faut répartir équitablement les richesses ! Que chacun puisse vivre dignement
Manifestation des enseignants des lycées professionnels
Un autre cortège battait le pavé à Paris ce jour-là, celui des enseignants des lycées professionnels, appelés à manifester contre la casse de l’enseignement professionnel.
Manifestation historique indique Clément Poullet, secrétaire général de la FNEC FP-FO selon lequel 1/3 des enseignants de ces établissement en Ile de France étaient en grève à l’appel d’une intersyndicale très large.
Valérie FORGEONT – Journaliste à L’inFO militante
Le 19 octobre 2022