Qui doit produire les normes sociales en France ? L’État, les syndicats ? Ces questions, les mouvements sociaux contre la réforme du Code du travail hier et sur les retraites aujourd’hui, en montre la brûlante actualité.
Il s’agit d’un ouvrage collectif rédigé par dix-neuf auteurs, essentiellement des historiens, sociologues, juristes, anciens conseillers de ministres, ainsi que le directeur du bureau de l’OIT pour la France.
Longtemps en France, le politique et les partenaires sociaux ont relevé d’un rapport de subordination : le politique croyant en sa toute-puissance et l’État décidait, intervenant systématiquement dans le domaine social et dans les relations professionnelles. Longtemps aussi, une défiance mutuelle a régné entre syndicats et représentants du patronat. Le paritarisme, cher à la CGT-FO, est régulièrement attaqué par les différents gouvernements. L’actuel traite les syndicats de « corps intermédiaires », terme passe-partout, bouche-trou et qui ne veut pas dire grand-chose ! Ces « corps intermédiaires » n’auraient qu’à se mettre à genoux comme des vassaux ? A l’évidence, les travailleurs ne l’entendent pas de la sorte. Ils se permettent même de sortir massivement dans les rues contre le projet sur les retraites. Ils contestent comme ils l’avaient fait en 1995, puis contre le CPE puis encore contre les lois El Khomri.
Les nouveaux rapports de la démocratie sociale et du politique
Cet ouvrage est divisé en cinq parties : « Démocratie sociale et démocratie représentative », « La démocratie sociale en Europe et ailleurs », « La démocratie sociale en pratique : un reflet de la démocratie politique ? », « La démocratie sociale face au législateur », « Des lendemains qui chantent ? ». La troisième partie est la plus intéressante pour les syndicalistes car elle aborde des questions fondamentales : participation des salariés, négociation collective, gouvernance d’entreprise, réforme de la représentativité syndicale, référendum d’entreprise, participation des salariés à la gestion des entreprises.
L’ouvrage revient sur le contexte qui a marqué la société française de 1945 aux années 1980, façonné par deux traits essentiels : l’intervention systématique de l’État dans le domaine social et dans les relations professionnelles ainsi que les relations entre employeurs et syndicats empreintes d’une défiance mutuelle. L’intervention du politique et le rôle conféré à l’État pendant les Trente Glorieuses sont largement dus à un héritage historique majeur, celui du programme du Conseil national de la résistance (CNR). Ce programme a été le socle, la base des progrès et acquis des travailleurs de notre pays. C’est justement ce programme du CNR qui est aujourd’hui attaqué frontalement. La bataille pour la sauvegarde de nos systèmes de retraites est essentielle. Elle l’est aussi plus largement pour la préservation de tout l’édifice de la démocratie sociale.
Le social et le politique, sous la direction de Guy Groux, Richard Robert, Martial Foucault. Paris, CNRS éditions, 2020, 264 p.
Christophe Chiclet
Le 16 février 2020