Matignon, 1948. Delamarre, Bouzanquet, Bothereau, Jouhaux, Neumeyer et Lafond vont être reçus par le président du Conseil, Robert Schuman, pour discuter des salaires et des prix. DR
Si Léon Jouhaux a été la figure tutélaire de la cgt-FO, c’est avec ses fidèles bras droits qu’il construira notre Confédération dans un contexte particulièrement difficile.
Robert Bothereau
(22 février 1901- 31 mai 1985)
Fidèle second de Jouhaux, c’est l’homme qui a organisé la résistance contre les nazis puis contre les staliniens. Premier Secrétaire général de la nouvelle Confédération en 1948, il a su tenir la barre jusqu’en 1963, dans un contexte de fortes tempêtes pour le syndicalisme libre et indépendant.
Apprenti ajusteur-mécanicien dans l’automobile, il rejoint dès 1919 la CGT des métaux. En 1929, il est élu à la tête de l’UD-CGT du Loiret. Quatre ans plus tard, au XXIIe congrès, il entre au Bureau confédéral. En 1936, il est en charge des relations avec les UD et la Fédé des coopératives de consommation, tout en s’occupant de la publication de La Voix du Peuple.
En 1939, il appelle à dénoncer le pacte germano-soviétique ce qui provoquera l’exclusion des communistes qui refusent de rompre avec Moscou. Dès octobre 1940, il s’oppose aux amis de Belin qui viennent de rejoindre Pétain. C’est donc naturellement qu’il est présent le 17 avril 1943 au Perreux, à la reconstitution de la CGT clandestine. Grand résistant, il recevra la médaille de la Résistance et la Légion d’honneur. Dès le 27 août 1944, il est dans les locaux de la rue Lafayette, siège de la « Vieille maison », où il organise « Les amis de Léon Jouhaux » autour des partisans du journal Résistance Ouvrière qu’il transforme en Force Ouvrière.
Dès septembre 1946, il organise les groupes des « Amis de FO », puis le « Groupe central FO ». C’est lui qui va convaincre Jouhaux de la nécessité de la scission fin 1947. Il est élu Secrétaire général au congrès constitutif d’avril 1948. Il devient aussi membre du Conseil d’administration du BIT et vice-président de la CISL de 1953 à 1964. En novembre 1963, il quitte volontairement son poste de Secrétaire général, organise sa succession et prend soin de ne surtout pas prendre parti dans la vie interne de la nouvelle direction.
Pierre Neumeyer
(17 janvier 1878- 1er février 1960)
Ce Vosgien, comme employé des douanes n’a pas le droit de se syndiquer. En 1913, membre de la jeune Fédération nationale des fonctionnaires qui n’a pas le statut de syndicat, il y propose une entrée individuelle dans la CGT pour contourner la loi. En mai 1920, après une modification de la loi, il fait entrer la FNF dans la CGT, adhésion totalement consolidée et officialisée en 1926.
Membre du Bureau confédéral, il répartit les fonctionnaires dans six nouvelles fédérations CGT : enseignement, finances, travaux-publics, air-guerre-marine, administration générale et économie nationale.
À l’automne 1940, il rejoint le midi et plonge dans la clandestinité dès novembre. Rejoignant la zone occupée, il devient le trésorier de Libération-Nord. C’est lui qui installe Résistance Ouvrière au siège de la Maison des fonctionnaires, 10 rue de Solferino à l’automne 1944. En 1946, il est le secrétaire du Cartel des services publics de la CGT dont la majorité reste fidèle aux ex-Confédérés. Fin 1947, il part avec Jouhaux de la CGT, entraînant la majorité des fonctionnaires à la jeune CGT-FO, sauf les enseignants qui vont fonder la FEN et une partie des postiers. Neumeyer est aussi le trésorier confédéral d’une jeune Confédération sans le sou. De 1954 à 1959, jusqu’à son dernier souffle, il siègera au Conseil économique et social.
Albert Bouzanquet
(31 août 1897-28 janvier 1971)
Ce Gardois était fonctionnaire civil au ministère de la guerre. Il est alors envoyé en Tunisie, protectorat français. De 1927 à 1929, il est le secrétaire de la section SFIO de Tunis. En 1929, il se consacre essentiellement à ses activités syndicales, devenant Secrétaire général adjoint de l’Union des syndicats CGT de Tunisie et rédacteur en chef de La Tunisie Ouvrière. S’opposant frontalement au Résident-général Peyrouton en 1934, il est muté à Grenoble.
Avec la victoire du Front populaire, il retrouve son poste et devient le Secrétaire général de la CGT-Tunisie. En 1938, il s’oppose avec succès à la prise de contrôle des communistes sur la CGT de Tunisie. En novembre 1942, les Américains débarquent au Maroc et en Algérie. Il quitte alors clandestinement Tunis et rejoint Alger. Le 15 novembre 1943, il est nommé délégué à l’Assemblée consultative d’Alger en tant que représentant de la CGT. Il occupera le même poste à l’Assemblée consultative de Paris en octobre 1944.
Fin 1944, il devient secrétaire confédéral de la CGT et occupe le poste de directeur de son organe, Le Peuple. Ce n’est donc pas un hasard, s’il sera le premier directeur de Force Ouvrière. En effet, fin 1947, il quitte la CGT avec Jouhaux. En 1950, il démissionne de son poste de Confédéral de la jeune CGT-FO. Médaille de la Résistance, croix de guerre avec palmes, Légion d’honneur.
Christophe Chiclet, journaliste L’inFO militante
Le 17 août 2020