Les grandes figures du syndicalisme féminin français
Les femmes ont toujours eu une place très importante au sein du mouvement syndical. Pourtant, elles sont peu connues, pas assez reconnues. Un terrain de recherches pour les historiens du mouvement social.
Germaine Gourdon (30 août 1911- 18 mai 2019)
Son père était facteur dans le Maine et Loire. C’est donc naturellement qu’elle entre aux PTT à l’âge de 17 ans en 1928. Elle se syndique alors à la CFTC, syndicat très présent dans l’ouest de la France et chez les femmes. Mais Germaine Caubel n’a pas vraiment la fibre religieuse. Dès 1933, elle rejoint la CGT et devient la trésorière du syndicat CGT-PTT d’Angers. Elle a commencé sa carrière comme remplaçante dans les bureaux de poste du département. Fin 1947, des collègues des PTT de Bordeaux lui téléphonent pour lui annoncer qu’ils vont créer la CGT-FO en Gironde. Chez elle, les communistes font le forcing. Elle a évoqué ses souvenirs dans nos colonnes (1) : « Moi je n’étais pas communiste, alors j’ai adhéré à FO. J’ai envoyé une lettre à mes adhérents pour leur demander de prendre position ». La majorité a rejoint Germaine, non sans difficulté car elle se souvient de cette époque troublée : « J’ai aussi reçu des menaces et des insultes de la part de certains, mais je ne m’en suis pas occupée ». Le 5 juillet 1948 elle se marie avec Paul Gourdon puis devient responsable de la mise en place des lignes téléphoniques aux PTT de son département. Très impliquée dans le social, elle est nommée au service départemental des affaires sociales du Maine et Loire et contribue à la création du camping des Onchères à Noirmoutier.
Augusta Bruchlen-Jouhaux (18 septembre 1899-28 avril 2003)
Elle est née à Mulhouse d’un père alsacien et d’une mère allemande. Elle est scolarisée en langue allemande et ne devient citoyenne française qu’en 1918. Elle rejoint la CGT en 1924 et étant trilingue (allemand, français, anglais), elle est versée au Service international de la Confédération. Elle devient la traductrice, l’interprète et l’assistante de Jouhaux. Tous deux ne se quitteront plus. De 1926 à 1931, elle l’accompagne aux congrès syndicaux allemands, puis à la veille de la guerre, aux États-Unis, au Mexique et en Tunisie. En juin 1940, le couple est à Bordeaux, puis Toulouse. En février 1941, Jouhaux l’envoie comme agent de liaison clandestin à Paris pour renouer avec la CGT (interdite) en zone occupée. En août, ils s’installent à Cabriès près de Marseille. En novembre 1942, Jouhaux est réarrêté. Elle aussi, envoyée au camp de Bruns dans le Tarn. Libérée en janvier 1943, elle rejoint Léon en résidence surveillée à Evaux les Bains. Mais trois mois plus tard, il est envoyé en Allemagne, livré par Pétain aux nazis. Le sang d’Augusta ne fait qu’un tour. Elle fonce à Vichy puis à Paris où elle obtient l’autorisation de rejoindre son compagnon en captivité. Libéré par les Américains, le couple rentre à Paris le 8 mai 1945. On la retrouve comme interprète à San Francisco lors de la fondation de l’ONU. Ils se marient après la libération. De septembre 1949 à décembre 1971 elle fut la présidente du bureau parisien du BIT (Bureau international du travail). Commandeur de la légion d’honneur, la Confédération lui a fêté ses 100 ans lors d’une journée mémorable au 141 (2). « Schnuky », son petit nom affectif, a étonné l’assistance par sa vitalité et sa clairvoyance.
Claudette Rousseau (22 juin 1923-1er février 2016)
Née à Angers, elle est la fille d’un instituteur laïcard. En 1940, elle participe aux réseaux de soutien aux réfugiés espagnols avec son beau-père, un cheminot de la CGT. Il sera arrêté et fusillé par les nazis en 1941. Elle aussi est arrêtée. Libérée, elle rencontre l’anarchiste catalan, José Rosell avec qui elle va se marier, et intègre le réseau de résistance « Robur », un réseau composé de militants de la CNT espagnole en Bretagne. Elle est alors agent de liaison sous le pseudonyme de « Petardo ». Elle est arrêtée le 6 juin 1944 et jetée en prison à Rennes. À la libération elle fait des études de sage-femme à Rennes. En 1948, elle monte à Paris et rejoint FO en compagnie de sa mère Suzy Chevet. Dans les années 1950, au sein de la CGT-FO, elle se bat pour la contraception et l’avortement. Ensuite elle va travailler au jeune Planning familial et exercera en PMI (Protection maternelle infantile). C’est elle qui va créer des consultations de PMI dans les bidonvilles de Nanterre et de Saint Denis. Elle est membre de la Commission femme de FO et y milite avec Paulette Hofman. Elle était aussi la présidente de la Ligue des Droits de l’Homme du 18e arrondissement de Paris.
(1) FOH, n°3278, 11 avril 2018
(2) « Hommage de Force Ouvrière à Madame Léon Jouhaux à l’occasion de son 100e anniversaire », CGT-FO, 18 septembre 1999, 22 p
Christophe Chiclet, journaliste L’inFO militante
Le 5 août 2020