Le Livre des métiers : premier essai de législation du travail au Moyen Âge
En 1268 Louis IX, plus connu sous le nom de Saint Louis, demande à Étienne Boileau, prévôt de Paris, de rédiger « Le Livre des métiers » pour mettre de l’ordre et codifier l’ensemble du monde du travail non agricole.
Saint Louis (1214-1270) est couronné en 1226. À sa majorité il devient le chantre des réformes, mettant en place une justice plus douce et plus contrôlable.
Il participe à la fondation de la Sorbonne et instaure une monnaie unique. Mais c’est aussi le roi qui extermine les derniers Cathares de la forteresse de Montségur et cherche à convertir les Juifs. Il participe à la septième croisade de 1248 en Terre sainte. Il y est fait prisonnier en avril 1250 par le calife. Libéré deux mois plus tard après le versement d’une énorme rançon par le royaume de France, il repart à la huitième croisade en 1270. Il meurt de maladie à Carthage. Deux ans plus tôt, il avait chargé son ami Étienne Boileau, avec qui il avait été prisonnier des musulmans, de codifier et d’organiser les métiers urbains de Paris. Boileau (1210-1270) avait été nommé prévôt de Paris en 1261. Le prévôt est le percepteur des impôts, le chef de la police, de la justice et l’administrateur de la capitale pour le compte du roi.
Sur le mode de la corporation
Boileau se met donc au travail en l’an 1268 et rédige cent trente-deux réglementations n’ayant force de loi qu’à Paris. Ce livre est un texte juridique compilant les statuts des différentes professions réglementées de la capitale. Bref, les prodromes en quelque sorte de la mise en place d’une législation de « branches », mais cela bien sûr à la façon du Moyen Âge et sur le mode de la corporation : alimentation, orfèvrerie, métaux, habillement, cuirs et peaux, bâtiment. Le livre précise la hiérarchie des fonctions : maîtres, compagnons, apprentis, valets (ces derniers pourraient être l’équivalent des ouvriers), mais aussi des jurés. Ces derniers sont primordiaux. Ils sont, avant l’heure, les inspecteurs du travail. Ils veillent à la bonne application des règles de l’apprentissage, au bon fonctionnement des métiers, à l’embauche régulière des valets, au respect des jours et des heures travaillés et de l’interdiction du travail de nuit. Ils inspectent aussi la qualité des produits, recherchent les malfaçons et les contrefaçons et surveillent les opérations d’achat-vente dans le textile. En cas de problèmes, ils sont habilités à confisquer les objets falsifiés et à donner des amendes et ils lèvent aussi l’impôt sur tout le travail manufacturé. Ce Livre des métiers sera affiné jusqu’en 1328, pour être totalement aboli en 1792.
Christophe Chiclet – journaliste à L’inFO militante
Le 5 juin 2021