La Commune de Paris – [Arts et révolution] « Louise Michel. L’artiste en révolution et le dégoût du politique »
La Confédération ouvre ses archives pour célébrer les 150 ans de la Commune de Paris, véritable tournant dans l’histoire du monde ouvrier. Nous éditons et rééditons une série d’articles, de FO Hebdo ou de l’inFO militante, traitant de ce sujet qui reste une référence pour le mouvement syndical tant il a marqué la mémoire collective.
Article de Christophe Chiclet, l’inFO militante, le 11 mai 2019
On connaît Louise Michel (1830-1905) l’anarchiste, la féministe, l’anticolonialiste, mais Claude Rétat nous fait découvrir dans deux ouvrages incontournables, une Louise Michel romancière, artiste, très très loin de « l’art révolutionnaire officiel ».
L’auteure, directrice de recherche au CNRS, spécialiste de la littérature du XIXe siècle, écrit dès les premières pages de son « Art vaincra ! » : Au nom de vieux préjugés, il reste convenu d’affirmer qu’une militante ne peut être écrivain ou artiste : on serait l’un ou l’autre, mais pas les deux. Louise Michel déclarait elle-même à la fin de sa vie : Voyez-vous, au fond j’ai toujours été une artiste, je suis une artiste en révolution.
On connaît parfaitement l’infatigable militante de la commune de Paris, du bagne de Nouvelle-Calédonie, ainsi que ses écrits politiques : Mémoires en deux volumes parus en 1886 et 1898, La Commune éditée en 1898, ses centaines d’articles publiés dans la presse anarchiste et socialiste, sans oublier nombre d’interviews. Mais on connaît beaucoup moins ses quatre romans et les quatre autres, écrits à quatre mains, les nouvelles, les contes, les recueils de poésie, les trois pièces de théâtre et divers manifestes comme les Lectures encyclopédiques (1888-1890) ou La femme dans la maçonnerie (1904).
La révolution en contant
Si le vainqueur écrit l’histoire ou pense l’écrire [1], le vaincu écrit des histoires pour exprimer l’autre côté, le souterrain, l’utopie. Chez Louise Michel le rêve et l’action ne font qu’un, l’histoire et l’imaginaire résonnent. Elle aime le symbole et le frisson. Elle puise dans les légendes de sa Haute-Marne natale, du monde kanak où elle fut déportée de 1873 à 1880, de la Bretagne qui la fascine et du Paris glauque de la fin du XIXe siècle. Ses contes ne sont pas gais. Ils sont peuplés d’ogres, de Barbes bleues, de puanteur, de nécrophilie. Et comme conclut Claude Rétat : Ce sont des mondes qui s’engloutissent mais aussi des mondes qui s’éveillent, des harmonies de la nature et des cosmogonies.
Si les légendes kanak de Louise Michel sont connues, le livre La révolution en contant réunit pour la première fois des écrits retrouvés dans des manuscrits ou dans la presse du temps, souvent inédits.
Louise Michel ne se disait pas « artiste et révolutionnaire », mais artiste en révolution, artiste travaillant la matière « révolution » et dont l’œuvre d’art est la révolution. Pour elle : La Commune fut belle, y compris dans l’horrible, telle une œuvre d’art, donnant la jouissance et l’idée aveuglante de l’art de l’avenir.
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Claude Rétat : Art vaincra ! Louise Michel. L’artiste en révolution et le dégoût du politique, essai, 272 p. et La révolution en contant. Histoires, contes et légendes de Louise Michel, 558 p. Les deux ouvrages aux éditions Bleu Autour, 2019.
[1] Marc Blondel avait l’habitude de dire : Non seulement on nous a barboté nos archives, mais en plus ce sont les autres qui écrivent notre histoire !
Le 27 mars 2021
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