© J-L BOIRÉ
La récente publication de plusieurs décrets d’application de la loi Avenir professionnel fait apparaître que plusieurs des mesures réclamées par FO pour une meilleure insertion des personnes handicapées ont été prises en compte.
La situation n’en reste pas moins encore insatisfaisante pour la confédération qui poursuit son action, d’autant que trop d’entreprises restent frileuses.
Ce dossier a été publié le 12 juin 2019 dans L’inFO militante n°3308
C’est le 28 mai dernier qu’ont été publiés au Journal officiel trois décrets mettant en œuvre la réforme de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, opérée par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018) en son article 67. Leur entrée en vigueur est proche : le 1er janvier 2020, soit dans moins de six mois. Ces décrets arrivent au moment où la situation du handicap en France, bien qu’en progrès sur quelques points, reste plutôt morose, notamment en ce qui concerne l’emploi des personnes en situation de handicap, dont le taux de chômage se situait encore à 19 % en 2017, soit deux fois plus que pour l’ensemble de la population active. En 1987, la loi avait pourtant fixé à 6 % le taux d’emploi de personnes en situation de handicap pour les entreprises de plus de 20 salariés. Trente ans après, il n’était que de 3,4 % dans le privé en 2017 et de 5,5 % dans le public. Le taux d’activité, lui, n’est que de 43 %…
D’où la nécessité de l’action entreprise par FO pour faire bouger les choses, aussi bien dans les concertations bilatérales que multilatérales, que dans les négociations au CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées), à qui la loi de 2005 (« Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ») a donné pour mission d’évaluer la situation des personnes handicapées et les propositions parlementaires et gouvernementales. Et cela a plutôt bien fonctionné jusqu’à présent.
Une obligation pour toutes les entreprises
Le premier des trois décrets concernés élargit et simplifie les modalités de la déclaration de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH). Ainsi, comme le voulait FO, toutes les entreprises, y compris celles de moins de 20 salariés, seront obligées à cette déclaration annuelle du nombre de travailleurs handicapés. La simplification vient du fait que cette dernière sera intégrée à la Déclaration sociale nominative (DSN), portée par la loi Pacte et comportant les informations nécessaires à la gestion de la protection sociale des salariés par les organismes et administrations concernées. Problème soulevé par FO : Cette simplification ne préjuge en rien du comportement des entreprises quant à leur intention de recruter davantage de personnes en situation de handicap.
D’autant que le taux d’emploi des personnes handicapées, fixé à 6 % de l’effectif total de salariés, ne l’est pas vraiment. Mais le calcul à l’arrondi supérieur vise artificiellement à atteindre cet objectif. Rappelons que les bénéficiaires de l’obligation d’emploi (BOE) sont notamment les travailleurs reconnus handicapés, les victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle (incapacité au moins égale à 10%), etc.. La suppression de cet arrondi avait pourtant été un temps envisagée par le gouvernement, mais il a retiré sa proposition, ce qui renvoie une nouvelle fois à la baisse les premières ambitions affichées par la secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées, Sophie Cluzel, lors du lancement par le gouvernement de la concertation sur le handicap.
En chantiers…
Il avait déjà fallu que FO, qui souhaitait une négociation interprofessionnelle, pousse à la roue pour que soit respecté l’agenda social de 2015 où figurait l’évolution nécessaire de la politique du handicap.
Un courrier intersyndical avait même été envoyé début janvier 2018 aux organisations patronales pour le leur rappeler, resté sans réponse du Medef. Pour finir, c’est le 15 février 2018 que le gouvernement avait donné le coup d’envoi de la concertation sur la politique d’emploi des personnes en situation de handicap, réunissant une centaine d’acteurs publics et privés, issus des huit organisations patronales et syndicales, d’associations représentant les personnes handicapées et des institutions des secteurs de l’emploi, de la formation professionnelle et du médico-social. Trois axes avaient alors été déterminés. Le premier, sur l’obligation d’emploi (et le barème de calcul de la contribution des entreprises n’atteignant pas le taux obligatoire d’emploi), s’est donc traduit dans les trois récents décrets d’application. Le troisième axe, reporté au 2e semestre 2019, sera consacré à la gouvernance. Le deuxième, qui s’attache à rénover l’offre de services à destination des personnes handicapées et des employeurs et à accompagner la réforme de l’OETH, a donné lieu, le 10 mai, à une première restitution à la secrétaire d’État Sophie Cluzel, à la suite du déroulement de cinq chantiers réunissant tous les participants. Ce n’est qu’une première étape et bien des combats sont encore à mener.
La loi de 2005, une pierre angulaire
La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 est fondamentale à plus d’un titre. Déjà parce qu’elle a donné une définition précise du handicap, mais aussi pour avoir réaffirmé l’obligation d’emploi d’au moins 6 % de travailleurs handicapés pour les entreprises de plus de 20 salariés, avoir renforcé les sanctions, créé des incitations et les avoir étendues aux employeurs publics. Elle a également mis en œuvre le principe du droit à compensation du handicap, en établissement comme à domicile, ouvrant à la prestation de compensation du handicap (PCH), une aide financière versée par le département. On lui doit les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et le droit pour tout enfant porteur de handicap d’être inscrit en milieu ordinaire, dans l’école la plus proche de son domicile. Hélas, les logiques comptables en menacent le principe.
Sécurité Social : Quelle protection pour les travailleurs handicapés ?
Si le salarié en situation de handicap est en mesure de poursuivre une activité professionnelle, il peut se faire reconnaître travailleur handicapé. Il n’est toutefois pas obligé de déclarer son handicap à son employeur et celui-ci ne peut l’obliger à le faire. Force Ouvrière recommande cependant aux salariés concernés de faire la demande pour obtenir la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Ce statut permet en effet d’avoir accès à des aménagements de poste et d’horaires, ainsi qu’à des dispositifs spécifiques (emploi accompagné, apprentissage…). Les démarches sont à effectuer auprès des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
Une pension pour compenser la perte de salaire
Pour sa couverture sociale, le travailleur handicapé reste affilié à l’Assurance maladie. C’est son statut de salarié, et non d’adulte en situation de handicap, qui est pris en compte, y compris pour percevoir des indemnités journalières compensant la perte de salaire résultant d’un arrêt de travail. En cas de handicap en lien avec l’une des trente pathologies figurant sur la liste des affections longue durée (ALD) reconnues par la Sécurité sociale (paraplégie, sclérose en plaques…), le travailleur peut bénéficier d’une prise en charge à 100 % par l’Assurance maladie.
Si la capacité de travail d’une personne est réduite d’au moins deux tiers à la suite d’un accident ou d’une maladie d’origine non professionnelle, elle peut faire une demande de pension d’invalidité auprès de l’Assurance maladie, pour compenser la perte de salaire entraînée par son état de santé.
Si le handicap d’un salarié résulte d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, le médecin-conseil de l’Assurance maladie évaluera son taux d’incapacité. Si celui-ci est supérieur ou égal à 10 %, une rente d’incapacité permanente sera versée tous les mois ou tous les trimestres. La pension peut être révisée en fonction de l’évolution de l’état de santé.
Concernant la retraite, les travailleurs handicapés qui n’ont pas suffisamment cotisé durant leur vie professionnelle peuvent partir à la retraite à taux plein à 62 ans, au lieu de 67 ans. Un départ anticipé est par ailleurs possible à partir de 55 ans, sous conditions (taux d’incapacité permanente de 50 %, durée d’assurance, durée de cotisation, âge de l’assuré). La revendication prioritaire de FO en matière de protection sociale des travailleurs handicapés reste le retour à un critère unique, celui du statut de travailleur handicapé (RQTH), pour accéder à la retraite anticipée pour handicap. En effet, de nombreux salariés en situation de handicap ne peuvent aujourd’hui prétendre à un départ anticipé, car ils ne sont pas en mesure d’apporter la preuve que leur taux d’incapacité est de 50 % depuis le début de leur carrière.
FRANÇOISE LAMBERT, JOURNALISTE L’INFO MILITANTE
Le 26 août 2020
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