Depuis 2020, la Chine a décidé de durcir son contrôle des libertés fondamentales à Hong Kong. Avec la mise en place d’une Loi de sécurité nationale, elle réprime désormais manifestations et rassemblements de tous ordres, le militantisme en faveur des droits civiques et syndicaux et même le soutien international apporté aux organisations locales. Trois militants en exil étaient de passage à Paris à l’invitation de trois organisations syndicales, dont FO, pour dresser un triste bilan de la situation.

Le seul moyen pour eux de mettre fin à leur destin de fugitifs qui seront pourchassés toute leur vie, est qu’ils se rendent. Sinon, ils vivront dans la peur. La menace est formulée par John Lee, chef de l’exécutif de Hong Kong et elle s’adresse aux militants des droits humains et syndicaux qui ont fuit le pays depuis la promulgation d’une loi de sécurité nationale et les persécutions qui l’ont suivie. Dans la foulée, la police de l’ancienne colonie britannique rétrocédée à la Chine en 1997 a promis un million de dollars hongkongais de récompense (117 000 d’euros) à qui permettrait l’arrestation de huit militants pro-démocratie.

Quelques jours avant, trois de ces militants étaient à Paris le 29 juin, à l’invitation de Force ouvrière, la CGT et la CFDT. A la Bourse du travail, ils ont dressé un état des lieux des droits humains et syndicaux dans leur région d’origine. Nous voulons dire au dictateur que nous sommes toujours là et nous ne lâcherons pas, avec le soutien de la solidarité internationale, a clamé Christopher Mung Siu Tat dont le nom figure sur la liste des huit dirigeants syndicaux ciblés.

La fin du concept un pays, deux systèmes

Depuis le départ des Britanniques, Hong Kong avait un accord avec la Chine permettant la survie de son système politique selon le principe un pays, deux systèmes. Un accord conclu pour durer cinquante ans, jusqu’en 2047. Pendant vingt ans, la région a pu conserver son système et son identité, souligne Jean-Philippe Béja, directeur de recherche au CNRS et sinologue. A savoir, une justice totalement indépendante, le respect de la liberté d’expression et d’association, un système politique multipartiste. Or tout a été balayé bien avant 2047, tranche la sinologue Marie Holzman.

Depuis la Loi de sécurité nationale (2020), quelques 260 personnes ont été arrêtées pour y avoir contrevenu. N’importe quelle critique du gouvernement peut tomber sous le chef de sédition, n’importe quel rapport avec l’étranger constitue désormais une trahison, résume Jean-Philippe Béja. Une agence de maintien de la sécurité nationale a été créée, composée de fonctionnaires originaires du continent et obéissant au Parti communiste chinois. Et tous les fonctionnaires doivent prêter allégeance à la Loi de sécurité nationale, poursuit l’universitaire. Une hotline dite de sécurité nationale a été créée en novembre 2020. Jusqu’en février elle a reçu quelque 400 000 dénonciations selon Andrew Shum, ancien directeur du syndicat des enseignants de Hong Kong et co-fondateur de l’Observatoire des droits civiques, exilé au Royaume-Uni depuis 2021. Il ajoute : La loi de sécurité nationale est ambigüe et ne précise pas clairement où se situe la ligne rouge ce qui pousse à l’auto-censure et brise la confiance entre les citoyens. Branislav Rugani, secrétaire confédéral FO au secteur International et représentant FO lors de cette réunion, a confirmé, par son expérience personnelle, ce qu’une dictature répressive pouvait être, l’ayant vécu lui-même dans de sa jeunesse.

Un paysage syndical laminé

L’association des journalistes a été dissoute, de même qu’un groupement d’avocats spécialisé dans la défense des droits de l’homme. Les manifestations ont été interdites. Elles sont à nouveau autorisées sous réserve que tous les participants portent un badge numéroté permettant de les identifier précise Andrew Shum.

Côté syndical, 175 organisations n’ont pas renouvelé leur autorisation de fonctionner. La confédération syndicale HKCTU, fondée en 1990 – qui représentait plus de 145 000 travailleurs et 90 organisations syndicales – a été démantelée en octobre 2021. A ce jour au moins 11 syndicalistes ont été emprisonnés pour crime contre la sécurité nationale, indique Christophe Mung Siu Tat. Le syndicat des employés de l’hôpital public a lui aussi dû s’auto-dissoudre en juin 2022 après que sa présidente a été arrêtée à deux reprises – elle n’a pas encore été jugée. Créée en 2019, cette organisation s’honore d’avoir organisé en 2020 la première grève de professionnels de santé de toute la Chine, Taïwan inclus selon Yvan Law Cheuk Yiu, ancien dirigeant de cette organisation. Il s’agissait alors de réclamer la fermeture de la frontière avec la Chine en proie à l’épidémie de Covid. Puis nous nous sommes battus contre le dépistage systématique quand nous n’avions pas de cas, contre l’application anti-covid dont on craignait qu’elle permette de nous traquer et contre l’utilisation du vaccin chinois, moins efficace que les autres, résume Yvan Law Cheuk Yiu.

Toutes ces organisations ont participé à la défense du modèle politique hongkongais et ont contribué aux manifestations de 2019 pour le respect des libertés fondamentales. Certains de leurs dirigeants se sont même impliqués dans des élections primaires, un scrutin non officiel pour préparer les législatives de 2020. Aujourd’hui, les militants en exil tentent de faire entendre de par le monde la voix de ceux que l’on tente de bâillonner, espérant que la Chine et les dirigeants Hongkongais demeurent sensibles à leur image internationale.

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Sandra DERAILLOT – Journaliste à l’InFO militante

©HK Labour Rights Monitor

 

Le 6 juillet 2023