Rozenn Le Saint, Travail&santé
Article Web – 31 octobre 2017
Les projets de décrets d’application relatifs aux ordonnances sur le Code du travail, présentés en ce moment par le gouvernement, confirment une série de reculs sur la prise en charge et la prévention des risques professionnels. Panorama.
Le nouveau compte professionnel de prévention (CPP), voulu par Emmanuel Macron et censé remplacer le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) dans le cadre des ordonnances sur le Code du travail, exclura bien quatre facteurs de risque et pas des
moindres : les manutentions manuelles de charges, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les agents chimiques dangereux, y compris poussières et fumées. Le 26 septembre, interrogée sur le plateau de France 2 dans le cadre de l’émission Cash investigation, suite à un reportage – « Travail, ton univers impitoyable » – accablant
concernant les conditions de travail dans l’entreprise Lidl, la ministre du Travail Muriel Pénicaud n’avait pas totalement assumé l’exclusion du facteur de risque lié à la manutention.
Perte de traçabilité
C’est désormais acté par le projet de décret présenté en application de l’ordonnance sur le compte professionnel de prévention, présenté le 19 octobre par le gouvernement. Le CPP n’inclura que six facteurs de risques : activités en milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit, travail de nuit, répétitif et en équipes successives alternantes. Et ce malgré les critiques formulées sur l’abandon des quatre autres facteurs de risques, à commencer pour les agents chimiques dangereux par la perte induite de traçabilité concernant les expositions des salariés à ces produits toxiques. Concernant ces facteurs, seul un départ en retraite anticipé pourra être demandé et uniquement à compter de la survenue d’une pathologie, le tout au détriment d’une logique de prévention. Pourtant, la manutention manuelle de charge a été à l’origine de plus de la moitié des accidents du travail en 2016, comme en témoignent les chiffres clés présentés par la Sécurité sociale et publiés le 9 septembre.
Le même projet de décret d’application fixe également les règles concernant la négociation d’accords d’entreprise sur la prévention des expositions aux différents facteurs de risques. Sauf que s’agissant des quatre qui sont exclus du CPP, l’obligation de négocier est renvoyée à
la définition d’un taux de sinistralité en matière d’accidents ou maladies professionnels dans l’entreprise, à définir dans le cadre d’un autre décret.
Recours inopérant ?
Enfin, le dispositif de recours proposé au salarié en désaccord avec les déclarations de son employeur concernant ses expositions professionnelles est particulièrement complexe. Le salarié doit porter sa réclamation devant l’employeur, puis saisir l’organisme gestionnaire au niveau local, le tout assorti de délais courts dont le non-respect entraîne le « rejet » automatique de sa réclamation. Un labyrinthe juridique particulièrement dissuasif. Les contrôles effectués par l’organisme gestionnaire chez l‘employeur doivent aussi lui être
annoncés quinze jours avant…
D’autres projets de décrets d’application présentés récemment viennent aussi préciser la mise en œuvre de certaines modifications réglementaires apportées par les ordonnances. Comme celles sur la procédure de contestation des avis d’inaptitude aux prud’hommes. A partir du 1er janvier 2018, le médecin inspecteur régional du travail sera à nouveau désigné pour statuer.
Et s’il n’est pas disponible ou a déjà été sollicité par le médecin du travail au moment d’émettre l’avis d’aptitude ou d’inaptitude contesté, les juges prud’homaux pourront désigner un autre médecin expert de l’Inspection du travail.
Faire plus avec moins
Quant au projet de décret d’application très attendu sur les moyens attribués au comité social et économique (CSE), nouvelle instance représentative du personnel censée remplacer les anciennes (comité d’entreprise, délégués du personnel et CHSCT), il prévoit beaucoup moins d’élus et un nombre a priori équivalent d’heures de délégation… Un texte dénoncé en cœur par la CGT, FO, la CFDT et la CFE-CGC. Selon ces organisations syndicales, les représentants du personnel, moins nombreux, auront moins de moyens pour se spécialiser, notamment
concernant la prise en charge des questions de santé au travail.
Le 3 novembre 2017